Région à forte activité volcanique, Oita est une préfecture parcouru d’impressionnantes montagnes comme le mont Aso, un volcan encore en activité à l’origine d’une des plus vastes caldeiras du monde. Ses grandes étendues de nature sauvage font d’Oita la destination rêvée pour qui veut s’évader en pleine nature, loin de l’agitation des villes.
Les étendues des marais de Tadewaraes étendues des marais de Tadewara
Tadewara : des marais façonnés par l’activité volcanique
Les marais de Tadewara ont commencé à se former il y a 15 000 ans de ça. Les sédiments rejetés par les volcans de la chaîne de montagne de Kuju vinrent peu à peu s’accumuler dans la vallée, faisant barrage à la rivière qui y passait pour finir par transformer la vallée en marais fertiles il y a environ 6 300 ans. À présent, l’eau de pluie qui ruisselle depuis les montagnes finit dans les marais où elle est lentement filtrée pour ressortir, trois à six mois plus tard, sous forme d’eau de source.
Une mer d’herbe dorée se perdait à l’horizon et s’agitait par vague au grès du vent. Même le temps maussade qui accompagnait notre visite ne parvint pas à rendre le paysage moins spectaculaires. Durant l’hiver un manteau de neige recouvre les marais. Au printemps, lorsque la neige fond, on effectue un brûlage contrôlé qui vient débarrasser les marais des petits arbres et arbustes qui pourraient l’envahir, préservant ainsi l’écosystème fragile des marais. Très vite une végétation luxuriante recouvre à nouveau les vastes étendues des marais de Tadewara, et oiseaux et autres animaux trouvent refuge parmi ses fleurs sauvages endémiques.
L’eau de pluie ressort des marais au bout de trois à six mois sous forme d’eau de source
Long de 2,5 km, un sentier surélevé sur un ponton en bois vous offre une agréable promenade d’une heure au cœur des marais. Il est également possible de prendre les marais de Tadewara comme point de départ pour une longue randonnée en direction des montagnes de Kuju : des sentiers de randonnée vous mèneront au Mont Kuju et à Hokkei Onsen Sanso, où vous pourrez vous détendre dans les eaux fumantes des onsen les plus en altitude de l’île de Kyushu.
Nos guides expérimentés qui nous firent visiter les marais de Tadewara
Deux guides m’accompagnaient pour me faire visiter Tadewara. L’un d’eux, monsieur Okazono, est un alpiniste expérimenté qui pratique l’escalade depuis plus de 30 ans. À son palmarès, le mont Cervin, dont il fit l’ascension à deux reprises. Membre du club Kuju Nature Guide, il organise des écotours dans les marais et dans le parc national de Kuju depuis quatre ans, si bien qu’il est heureux de pouvoir appeler cette immense étendue son jardin et qu’il ne compte plus les fois où il est allé se baigner dans les eaux de Hokkei Sanso Onsen.
Marcher au dessus du vide sur le plus haut pont suspendu du Japon
Le plus haut pont suspendu du Japon
Kokonoe Yume Otsurihashi se trouve à 10 minute en voiture des marais de Tadewara. Ce pont suspendu, le plus haut du Japon, enjambe la vallée de Narukogawa sur une longueur de 390 mètres. Depuis les hauteurs vertigineuses du pont, on peut profiter d’une vue spectaculaire sur deux chutes d’eau : les cascades de Shindi dites Odaki (mâle) et Medaki (femelle). C’est en partie à ces cascades que ce pont doit soit existence. Lors d’un grand tremblement de terre, en 1975, la route qui permettait de se rendre au pied des cascades fut détruite, rendant leur accès difficile. Les habitants du coin, désolés d’être privés du magnifique spectacle de ces chutes d’eau, émirent l’idée d’un pont qui permettrait d’admirer les cascades. Beaucoup pensaient qu’il ne s’agissait que d’un rêve et que ce projet ne verrait jamais le jour. Mais en 2006, ce rêve devint réalité, et l’on baptisa ce pont “yume” (rêve en japonais).
À son point le plus haut, le pont se trouve à 173 mètres au dessus du sol. Il fallut deux années de construction pour donner naissance à ce pont, à l’aide d’un hélicoptère qui permit de déployer les immenses câbles de suspension entre les deux flancs de la vallée. Vous aurez peut-être du mal à vous aventurer sur le pont si vous n’êtes pas à l’aise avec les hauteurs, car l’allée centrale est couverte de grillage métallique afin de réduire les mouvements de balancement du pont, en baissant les yeux on voit donc la vallée sous ses pieds. Mais les plus courageux qui traverseront le pont suspendu profiteront de paysages spectaculaires. D’un côté du pont, vous pourrez admirer les deux chutes d’eau, et de l’autre la vallée qui s’étend à l’horizon. Une fois au bout, vous pourrez vous remettre de vos émotions avec un café glacé au Hashi no Eki Shiratori ou quelques morceaux de poulet frit karaage au Yamabouchi tout en admirant le paysage depuis la terre ferme.
Ouvert toute l’année, le pont vous fera découvrir des paysages différents selon les saisons. En hiver un épais manteau de neige recouvre la vallée qui redevient verdoyante et luxuriante au printemps et se pare d’un voile de brume à l’automne avant de prendre les couleurs flamboyantes de l’automne. Vous pourrez en profiter pour visiter la ville de Kokonoe et ses nombreux onsen. Deuxième ville la plus riche de la préfecture en sources thermales, Kokonoe est connue des ingénieurs et environnementalistes pour son abondante production d’énergie géothermique. Mais Kokonoe est avant tout célèbre pour ses myrtilles, goûtez à une des délicieuses glaces au myrtilles de la ville avant de repartir, vous ne le regretterez pas !
Katsura Chaya : poisson grillé et vue sur la vallée
Le très populaire restaurant Katsura Chaya ne se trouve qu’à cinq minute de voiture du pont suspendu. Ses spécialités : son délicieux saumon masou grillé au charbon de bois et sa terrasse avec vue plongeante sur la vallée. Si vous n’avez pas suffisamment d’appétit pour un vrai repas vous pouvez vous contenter de grignoter des brochettes de dango mochi grillés au feu de bois ou faire votre choix parmi les produits locaux et autres encas vendus dans la boutique du restaurant.
La cascade abriterait l’esprit protecteur d’un tengu
Mais on vient aussi dans ce restaurant pour profiter de son emplacement. Surplombant la vallée, le point de vue y est exceptionnel. Derrière le restaurant, une cascade tiendrait piégé dans ses eaux l’esprit protecteur d’un tengu qui exaucerait les vœux des voyageurs et des habitants de la région qui s’y arrêtent. Si l’on en croit la tradition, il suffit d’acheter une petite tablette en illustrée d’un tengu et d’y inscrire ses souhaits pour les voir se réaliser.
Les millions de fleurs du Kuju Flower Park
Un des champs de fleur du Kuju Flower Park
Dans le sud-ouest de Kuju, le Kuju Flower Park est pourvu d’immenses champs de fleurs qui qui s’étalent sur ses 220 km². Chaque année ce sont cinq millions de fleurs de 500 espèces différentes qui fleurissent dans les 17 zones du parc, offrant aux visiteurs d’inoubliables paysages pastoraux qui se détachent sur les montagnes que l’on aperçoit à l’horizon. Grâce aux nombreuses variétés de fleurs du parc, on trouve toujours des champs en fleurs que l’on s’y rende au printemps, en été ou automne.
Au printemps, les champs de tulipes, de phlox rose et de nemophilia bleues créent d’étonnants paysages colorés. Durant l’été, c’est au tour des roses, des tournesols, ou encore de la lavande de fleurir, avant que sauge et cosmos ouvrent leurs pétales entre septembre et octobre. Des fleurs plus tropicales et subtropicales sont cultivées à l’intérieur d’une serre où l’on peut venir admirer fuchsias et bégonias qui fleurissent toute l’année. Destination familiale par excellence, les parents pourront laisser leurs enfants se dépenser le long des champs pendant qu’il profiteront d’un instant de répit accompagnés par le doux parfum des fleurs.
Séjour à la ferme dans le village d’Ajimu
Situé au nord de la préfecture d’Oita, à un quart d’heure de route de la ville d’Usa, Ajimu est un agréable village rural niché dans les montagnes. Depuis 1996, les agriculteurs d’Ajimu proposent aux voyageurs de séjourner dans leurs fermes et de découvrir la douceur de vivre des campagnes japonaises. L’occasion parfaite pour les familles, couples ou voyageurs solitaires qui souhaitent plonger au cœur du quotidien des agriculteurs de la préfecture d’Oita. Nous avons eu la chance de rencontrer l’une des nombreuses familles à proposer ces expériences hors du temps dans le village d’Ajimu.
La ferme Anshin-in propose des séjours à la ferme depuis 1996
La ferme Anshin-in est gérée par monsieur et madame Tokieda. C’est justement madame Tokieda qui est venue à notre rencontre lorsque nous sommes arrivés, nous offrant une tasse de thé et de la gelée de kaki faite maison (kaki yokan). Elle nous expliqua que bien que leur ferme soit de taille modeste, son mari et elle souhaitent que leurs clients repartent avec de grands souvenirs, heureux d’avoir découvert la vie quotidienne des fermes japonaises. Les Tokieda vivent dans cette ferme depuis trente générations. “Chaque génération étant plus pauvre que la précédente nous sommes aussi la génération la plus pauvre” ajoute-t-elle en plaisantant.
Après avoir bu notre thé, nous sommes allés cueillir notre dîner dans les champs. Notre panier fut vite plein de radis daikon, de brocoli, de pommes de terre, de chou napa, et de jeunes carottes. Dès notre retour, Mme Tokieda s’est mise derrière les fourneaux et nous proposa de goûter au brocoli et aux carottes assaisonnées de pâte miso. En découvrant les saveurs de ces légumes frais tout juste cueillis dans les champs il ne fut pas difficile de la croire lorsqu’elle nous raconta que les groupes d’écoliers qui viennent dans leur ferme se mettent à aimer même les légumes dont qu’ils ne veulent jamais manger chez eux.
La maison d’hôtes est immense, munie de chambres au rez-de-chaussée comme à l’étage. Un entrepôt (kura en japonais) près du bâtiment principal a été rénové pour offrir un autre logement plus indépendant qui fera le bonheur des couples. La taille du bâtiment principal, construit en 1894, s’explique par les mœurs de l’époque. Il était conçu pour héberger plusieurs générations de la famille. En déambulant dans la ferme Anshin-in on se prend à imaginer les lieux pleins de vie : les parents occupés à préparer le dîner en cuisine pendant que les enfants jouent en courant dans tous les sens et que le patriarche reste assis devant le foyer central, à fumer du tabac ou boire du thé jusqu’au cœur de la nuit.
La pandémie de COVID-19 nous a contraint à limiter nos interactions avec M. et Mme Tokieda mais nous avons pleinement profité de notre séjour à la ferme.Écrit par Joachim Ducos d’après un article original de Don Kennedy
Photographies de Mika Senda